L’importance de l’éducation spirituelle
Traiter de l’éducation spirituelle est d’une importance capitale, car elle permet à l’individu d’être sauvé et protégé contre les obstacles majeurs qui entravent son chemin vers Allah : l’âme charnelle (nafs), Satan (shaytân), les passions profanes (hawâ) et l’attachement excessif au bas-monde (dunyâ).
Serigne Saliou Mbacké, qu’Allah soit satisfait de lui, rapporte à ce sujet un échange entre un disciple et Cheikh Ahmadou Bamba, Khadimou Rassoul. Lorsque le disciple demanda au Cheikh quels sont les obstacles entre l’homme et son Seigneur, Serigne Touba lui demanda de réciter le verset :
« Quand les hypocrites viennent à toi… » (Sourate 63, verset 1).
Arrivé à « Nash-hadu », le Cheikh l’interrompit et lui expliqua que ce mot seul renferme les quatre grandes entraves :
- Nafsi (l’âme charnelle)
- Saytane (Satan)
- Hawâ (les passions)
- Dunyâ (le bas monde)
Il ajouta que ces quatre ennemis sont constamment présents autour de l’individu, cherchant à corrompre ses œuvres. Pour s’en prémunir, il faut s’engager dans un combat intérieur intense, que le Prophète (PSL) appelait le Grand Djihad (Jihâd al-Akbar).
L’éducation spirituelle, ou tarbiyya, n’est pas une nouveauté en islam. Le Saint Coran en parle dans la sourate Al-Jumu‘a (62, verset 2) :
« C’est Lui qui a suscité chez les illettrés un messager des leurs, qui leur récite Ses versets, les purifie, leur enseigne le Livre et la sagesse, alors qu’ils étaient auparavant dans un égarement manifeste. »
Ce verset montre qu’Allah a choisi un homme parmi un peuple illettré pour leur transmettre la foi, leur purifier le cœur par l’éducation spirituelle, leur enseigner les lois de l’islam (sharî‘a) et leur faire goûter à la sagesse divine (haqîqa). Ainsi, que l’on parle de purification de l’âme, de jihâd al-akbar, ou de tarbiyya, les objectifs sont les mêmes : rapprocher l’homme de son Seigneur.
Quant à Mame Cheikh Issa Diène, c’est Serigne Touba lui-même qui assura son éducation spirituelle dans toutes ses dimensions et l’éleva à un rang élevé. Cheikh Issa disait :
« Serigne Touba avait complètement tendu sa main pour me hisser tout haut ; celui dont la main ne dépasse celle du Cheikh ne pourra m’empêcher d’y rester. »
Il reçut de Khadimou Rassoul les secrets les plus profonds de l’éducation spirituelle. Comme l’a si bien résumé Cheikh Ibrahima Diop Al Mashcari :
« Il a obtenu ce qu’il a obtenu des secrets de l’éducation spirituelle, jusqu’à devenir un étendard parmi les gens de l’excellence. »
L’engagement dans l’éducation spirituelle : l’exemple de Cheikh Issa Diène
Cheikh Issa Diène éduquait ses disciples sur les vertus morales, la noblesse de caractère et surtout la détermination, car c’est par un engagement constant que l’on parvient à se rapprocher de notre Seigneur. Il disait, en citant Cheikh Ahmadou Bamba dans Huqqal Buka’u :
« Chacun a une volonté par laquelle il se hisse tout le temps vers l’Omnipotent, qui confère la force et l’illumination. »
On rapporte souvent que, de la même manière qu’un oiseau vole avec ses ailes pour atteindre les cieux, l’individu, par ses efforts spirituels, peut atteindre les stations élevées auprès d’Allah. Il avait l’habitude de dire :
« Je ne suis pas le guide de n’importe quel enfant. Je suis le guide des gens dotés de détermination. »
C’est justement cette volonté ferme qui l’avait hissé parmi les compagnons de Serigne Touba ayant fondé le plus de daaras. Ce fait a d’ailleurs été reconnu par les érudits de la Mouridiya. L’ensemble de ses dons pieux, de ses sacrifices, ainsi que de ses contributions à l’œuvre du Cheikh provenaient en grande partie de ces daaras, qui avaient pour vocation d’enseigner, d’éduquer et de servir uniquement pour la cause d’Allah.
Bien que certaines de ces daaras aient aujourd’hui disparu, plusieurs demeurent et sont devenues des lieux d’habitation ou de formation spirituelle. On peut retrouver, à la page 19 et 20 de l’ouvrage de Serigne Abdou Salam Diène sur la vie et l’œuvre de Serigne Issa Diène, une liste de certains de ces lieux : Khabbane, Darou Diène, Ndiéné Lagane, Gapsil, Mbourokh, Darou Salam, Laye Thiett, Darou Pam, Tourénguen, Makka Fall, Mbaye Djiniakh, parmi tant d’autres.
Dans ces daaras, il a formé une multitude de disciples. Certains y sont restés pour poursuivre son œuvre, d’autres ont été libérés pour propager cette lumière ailleurs. Partout où ils s’étaient établis, ces hommes sont devenus des modèles. Il serait difficile d’énumérer tous ceux qu’il a formés tant ils sont nombreux.
À titre d’exemple, Serigne Mbaye Guirane de Diourbel témoigne que, lors de l’ouverture de la mosquée de Diourbel, Cheikh Issa Diène avait mobilisé 330 disciples, dont 200 déjà libérés, et 150 issus de ses daaras. Parmi eux, on peut citer :
Serigne Ngagne Tandiné, Serigne Mor Touré, Serigne Ibrahima Mbengue, Serigne Ahmadou Dame Sourangue, Serigne Mor Maty Wade, Serigne Alioune Seye, Serigne Moussa Ka Thiélé, Serigne Moussa Ka Madina, Serigne Fadillou Gaye, Serigne Alioune Mbacké, Serigne Mor Latyr Diop, Serigne Abdou Latyr Diop, Serigne Mor Diène Darou Pam, Serigne Abdou Rakhmane Diagne, Serigne Touba Mbaye, Serigne Barra Fall, Serigne Masseck Seye.
Ce nombre n’est qu’un infime exemple parmi tant d’autres qu’il avait formés.
Cheikh Issa Diène a transmis à sa descendance les lumières de l’éducation spirituelle qu’il avait reçues de Serigne Touba, qu’Allah soit satisfait de lui. Grâce à cet héritage, ses descendants possèdent aujourd’hui encore de nombreuses daaras dédiées à l’éducation spirituelle et à la formation de disciples.
Il accordait une telle importance à cette éducation qu’il donnait ses propres filles en mariage uniquement aux disciples qu’il avait formés, aux gens du Coran ou aux éducateurs spirituels. Il ne considérait ni la noblesse d’origine, ni les biens terrestres, contrairement aux usages modernes. Il avait l’habitude de dire :
« Je ne donnerai à personne mon miel pour qu’il en use, puis retourne chez ses parents avec le contenant ; je ne le ferai pas. »
L’agrément divin à travers l’éducation spirituelle : l’exemple de Serigne Issa Diène
Il est évident que Cheikh Issa Diène donnait ses filles en mariage à ceux qu’il considérait comme dignes par leur piété, leur engagement dans le Coran et leur parcours dans l’éducation spirituelle. Ainsi, il confia :
- Sokhna Faty Mbacké Diène à Serigne Abdou Gueye, père de Baye Soulaye Gueye,
- Sokhna Magatte Diolof à Serigne Moussa Gueye,
- Sokhna Fatou à Serigne Ahmadou Dame puis, après son décès, à Sokhna Mame Diarra Diène,
- Sokhna Faty Fall Diène à Serigne Mor Maty Wade, après Serigne Zayid Kane,
- Sokhna Maimounatou Diène à Serigne Alioune Touré,
- Sokhna Bousso Diène à son neveu et disciple Serigne Bara Seck.
Parmi ceux qu’il avait formés et à qui il confia ses filles, on retrouve aussi Serigne Mor Latyr Diène, Serigne Abdou Samad Mbacké (fils de Khadim Rassoul), Serigne Modou Faty Khary (fils de Serigne Massamba Mbacké), Serigne Modou Moustapha Fall (fils de Mame Cheikh Ibrahima Fall), Serigne Assane Fall, et bien d’autres. Ce geste n’était dicté ni par les origines sociales, ni par les biens matériels, mais par la recherche exclusive de l’agrément divin.
Cheikh Issa Diène croyait que la voie la plus directe vers cet agrément était l’éducation spirituelle et la satisfaction des aspirations sincères de ceux qui en bénéficient. Cheikh Ibrahima Diop Al Mashcari lui dit un jour :
« Vous avez obtenu la victoire et l’agrément divin par vos actions pieuses. »
De par son œuvre, Serigne Issa Diène avait obtenu les honneurs, la proximité divine et l’agrément, comme l’affirme Serigne Momar Fall Diodio :
« Il a obtenu l’agrément et le bénéfice ; il comblait les desseins de tous sans négligence. »
L’agrément d’Allah est un bien suprême, bien au-dessus du bas monde et de tout ce qu’il contient. Comme l’enseigne Cheikh Ahmadou Bamba,
« L’agrément et la miséricorde provenant de Dieu sont meilleurs que le bas monde et tout ce qui s’y trouve. »
Le Coran confirme cette vérité dans la sourate At-Tawba (9:72) :
« L’agrément de Dieu est certes supérieur. Voilà l’immense réussite. »
Cependant, l’agrément n’est pas chose facile à obtenir, et il ne faut pas le confondre avec les signes extérieurs du succès mondain. Comme le dit Serigne Moussa Ka :
« Il se peut qu’on dise qu’un tel a obtenu l’agrément alors qu’il n’est qu’un riche doté de biens. »
L’éducation spirituelle : clé de l’agrément
L’exemple de Cheikh Issa Diène nous enseigne que l’éducation spirituelle est le meilleur héritage qu’un parent puisse offrir à son enfant. Il est rapporté dans un hadith :
« Un père n’a rien donné de meilleur à son fils que la bonne conduite. »
Serigne Touba lui-même recommandait l’enseignement et l’éducation des enfants, et s’il est impossible de faire les deux, il faut au moins leur donner une bonne éducation spirituelle. Il recommandait également de choisir un bon maître spirituel, car il n’est pas donné à tout le monde de guider les autres.
Comme le disait Serigne Moussa Ka :
- Il arrive qu’une personne regroupe les gens pour une éducation spirituelle alors qu’elle ignore le chemin.
- Il arrive aussi qu’un aspirant cherche la purification et l’élévation sans maîtriser le Takhliya (le dépouillement des défauts) et le Tahliya (l’embellissement par les vertus).
Cheikh Ahmadou Bamba, dans Massalikoul Jinan, verset 89, précise :
« Celui qui réunit à la fois le Fiqh et le Tassawuf est un bon modèle à suivre. »
Le non-éduqué ne peut transmettre aucune éducation. Celui qui n’a pas été formé ne formera personne. Celui qui s’isole du chemin sans guide spirituel s’aventure dans un danger profond, et il n’en sortira jamais avec profit. C’est pourquoi nul n’atteindra les stations élevées auprès de Serigne Touba sans une véritable éducation, transmise par un maître spirituel sincère.
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